Merci à Alexandre pour ses multiples tests qu’il partage avec nous, car en effet c’est presque mission impossible de trouver une chaussure minimaliste répondant aux critères qu’il recherche.
À titre d’information, pour les lecteurs habitués à lire mes tests, mis à part les FiveFingers Trek Ascent Insulated qui ont un indice minimaliste de 88, les autres chaussures testés ci-dessous tournent autour d’un indice moyen de 50 (à plus ou moins 10). C’est une approximation que j’ai faite grâce aux poids, à l’épaisseur des semelles et au drop renseignés, ainsi qu’à quelques recherches sur la clinique du coureur.
Je vous laisse maintenant découvrir le comparatif d’Alexandre :
Comme beaucoup d’entre vous, je suis à la recherche d’une solution minimaliste pour des sorties par temps froid et humide, ainsi que pour la rando itinérante où les conditions peuvent être imprévisibles.
FiveFingers Trek Ascent Insulated
J’ai d’abord testé les FiveFingers Trek Ascent Insulated :
Présentée comme modèle de randonnée hivernale, avec des photos commerciales qui les montrent dans la neige, elles n’ont malheureusement aucune étanchéité.
Le tissu est à peine déperlant, et la fine couche de revêtement entre les orteils est très insuffisante. Ça fonctionne peut-être sur de la neige gelée ou par températures négatives, mais pas sur de la neige fondante ou des chemins boueux: les pieds sont trempés en quelques minutes. J’ai bien essayé de vaporiser de l’imperméabilisant : l’humidité pénètre au bout de 10 min au lieu de 5 min… sur une rando entière, ça ne change pas grand chose. De plus, la chaussure est bizarrement dimensionnée par rapport aux autres FiveFingers, avec une épaisseur d’isolant qui a tendance à comprimer le gros orteil, même en prenant une taille au dessus : pas l’idéal pour lutter contre le froid.
Bref à utiliser exclusivement sur terrain sec, en vérifiant au préalable que vos orteils ne sont pas comprimés.
Est-ce que les Lontra ou les Bikala EVO WP faisaient mieux ?
Est-il seulement possible d’améliorer l’étanchéité, tout en laissant aux orteils l’espace nécessaire pour garantir une bonne circulation, ou est-ce que le concept FiveFinger a atteint sa limite ?
Du coup, je suis parti à la recherche d’autres modèles.
Cahier des charges
Semelle minimaliste : Idéalement, une semelle d’une dizaine de mm d’épaisseur (un plus ou un peu moins selon la taille des crampons, juste ce qu’il faut pour isoler du sol par temps froid), et zéro drop.
Toebox anatomique : Comme 50% des gens, j’ai un pied de type égyptien : le gros orteil est le plus long, et devrait pouvoir avancer en ligne droite jusque au bout de la chaussure. Si on rajoute les pieds de type romain, on approche les 70%. Pour nous tous, les chaussures de forme classique resserrées au bout, qui dévie le gros orteil latéralement, sont une aberration… (compression douloureuse du gros orteil, obligation de prendre 1 à 2 pointures au dessus, pied qui bouge et ampoules… ça vous dit quelque chose ?). Pourquoi cette forme resserrée, qui ne conviennent à la rigueur qu’aux pieds grecs, soit 25% des gens, représentent–elle encore 95% du marché ??? Mystère… À part Vibram, restent donc Altra, XeroShoes, quelques modèles de Merrell et NewBalance, Vivobarefoot (mais avec un problème sur lequel je reviendrai). Y en a t’il d’autres ?
Etanchéité : La chaussure doit permettre d’essuyer quelques averses, de marcher sur sentier trempé avec des flaques peu profondes, et de traverser des portions de neige en rajoutant une guêtre si besoin, tout en gardant les pieds au sec. Rien de très original, et pourtant il est bien difficile de trouver une chaussure minimaliste qui y parvient…
Thermicité : Une légère protection thermique serait bienvenue, pas trop non plus. Mieux vaut compléter l’apport de chaleur par des chaussettes en laine, plutôt que de se retrouver dans une étuve dès que les températures remontent un peu.
Légèreté : Important pour 2 raisons : d’une part pour la logique minimaliste, où l’allègement de la chaussure va de pair avec l’entretien d’une foulée naturelle.
D’autre part, pour un usage en tant que 2e paire lors de rando itinérantes ou de trek, en complément de FiveFingers ou autres chaussures légères, lorsque les conditions deviennent difficiles.
Voici ce que j’ai essayé, de l’«Alpine Running» légère à la « Chaussure minimaliste pour conditions extrêmes ».
Scarpa Atom S
Une chaussure conçue pour le trail hivernal, qui semblait offrir un bon compromis entre minimalisme, thermicité et étanchéité :
+ Poids 330g, très correct.
+ Conception «tige basse» surmontée d’une guêtre intégrée, qui remonte comme une chaussette : une excellente solution pour garantir l’étanchéité sans gêner les mouvements de la cheville.
+ Semelle de 13/17mm si je ne me trompe pas (drop de 4), ç’est un peu trop à mon goût mais ça reste acceptable, d’autant que la semelle est très souple n’atténue pas trop les sensation du sol.
+ Crampons très efficaces sur neige et terrain humide.
– La toebox n’est pas anatomique. Pour les pieds égyptiens, ça coince un peu, obligation de prendre ½ pointure au dessus. Cependant, comme l’avant de la chaussure est bien souple, c’est moins pire qu’avec d’autres modèles.
– La guêtre est dépourvue de fermeture éclair : un peu difficile à enfiler, mais surtout impossible de l’ouvrir pour ventiler, et ça chauffe vraiment dès que les températures remontent.
– Le plus gros problème, c’est la membrane Out Dry sensée être imperméable, et qui ne tient pas du tout ses promesses. Je ne sais pas comment ont été faits leurs tests en labo, mais en conditions réelles, c’est une catastrophe. Quelques minutes de marche dans la neige fondante, et tout est trempé. Pour être sûr qu’il ne s’agissait pas que de transpiration, test de la baignoire : immersion 8h dans 4 cm d’eau. Résultat, l’intérieur est réellement trempé (d’autres chaussures s’en sortent bien mieux, voir ci dessous). Dommage. Je ne sais pas si les choses ont été améliorées sur l’Atom S Evo.
Conclusion :
Une chaussure de conception innovante, utilisable quand il fait très froid et que la neige est bien dure, mais qui mériterait :
=> une toebox plus anatomique (ou au moins, une déclinaison en 2 versions),
=> un moyen d’ouvrir la guêtre pour ventiler,
=> et surtout, revoir complètement l’imperméabilité.
Absolument pas utilisable en itinérance avec des conditions météo changeantes et imprévisibles.
Inov-8 RocLite 320 GTX
Après l’essai décevant du OutDry, retour à la valeur éprouvée du GoreTex.
+ Enfin une chaussure réellement waterproof. Pas encore eu l’occasion de la tester dans la neige humide, juste sous la pluie et sur chemin trempé avec de nombreuses flaques, rien à reprocher. Test de la baignoire, immersion 8h dans 4 cm d’eau : l’intérieur reste parfaitement sec. Reste à savoir si la membrane gardera son étanchéité sur la durée…
+ Poids 320g, très correct.
+/- La semelle extérieure est assez proche de la Scarpa : 13/17mm (drop de 4 également), avec des crampons très efficaces. Elle est vendue avec une semelle intérieure en mousse de 6mm, un véritable obstacle à la proprioception que j’ai remplacé par une mini-semelle plate, juste pour recouvrir les coutures. Même avec cette modification, l’ensemble est quand même plus rigide que Scarpa, on commence à se sentir loin du sol.
+/- Tige mi-haute : c’est suffisant pour marcher dans des flaques peu profondes, mais il faudrait rajouter une guêtre pour tenir sous la pluie ou traverser des névés. Le problème, c’est que la tige étant largement évasée à l’arrière, la guêtre remonte vite et la neige rentre rapidement. Pourquoi n’ont ils pas prévu un système de fixation de guêtre comme sur d’autres modèles Inov-8 ?
– Le plus gros problème dans mon cas, c’est la forme de la chaussure : forme classique, resserrée au bout (cf cahier des charges). Ce modèle est désignée par Innov-8 comme « médium » parmi les formes allant de la plus étroite à la plus large. Je n’ose pas imaginer où va se loger le gros orteils dans les modèles «précision fit»…
Sur du plat ou en montée, ça passe encore. En descente, c’est impossible, le gros orteil appuie en permanence sur le côté. Même en prenant une taille au-dessus de la taille recommandée, et en serrant les lacets à fond pour bien caler le pied.
Conclusion :
Si cette chaussure existait avec toebox anatomique, ce serait un bon compromis. Avec une semelle un peu plus fine, ce serait encore mieux (ils savent faire, ils en ont déjà dans leur gamme). Avec un système de fixation pour maintenir une guêtre, ce serait parfait. Mais avec sa forme actuelle resserrée au bout, impossible de l’utiliser en rando, elle finira comme chaussure de ville ou de VTT par temps pluvieux.
Vivobarefoot Tracker FG
Chaussure en cuir « waterproof » avec semelle minimaliste, destinée uniquement à la marche, achetée à contre-cœur pour le matériau.
Il existe une version synthétique Hiker FG, mais elle est seulement «water-resistant » (« close to waterproof »). Sachant que les waterproof ont déjà du mal à tenir leurs promesse, et compte tenu d’un poids presqu’aussi lourd que la Tracker, j’ai choisi la vraie waterproof.
+ L’étanchéité est au RdV. Résiste parfaitement à plusieurs averses. Après plusieurs heures de marche sur des chemins trempés et de la neige fondante, l’humidité se ressent à peine au raz de la semelle, c’est plutôt une bonne surprise. Espérons que le cuir hydrophobe résistera mieux sur la durée que les anciennes GoreTex.
+ La semelle est vraiment minimaliste : épaisseur de 6 mm crampons inclus. Avec la bonne idée d’une semelle thermique amovible, que l’on peut retirer pour plus de proprioception, ou laisser pour plus de confort sur terrain agressif ou par temps froid.
+ La toebox est vraiment large, comme toutes les Vivobarefoot.
– La toebox manque d’espace en hauteur, défaut récurrent chez Vivobarefoot et souvent relevé. Non seulement ça comprime l’ongle du gros orteil, mais ça gène aussi le windlass mechanism nécessaire pour préparer la phase d’amorti, un comble pour une chaussure minimaliste (ceux que ça intéresse trouveront de nombreuses explications sur YouTube). Pour les pieds grecs, ça passe sans doute, mais pour les pieds égyptiens, on est obligé de prendre la taille au dessus de celle recommandée.
– Vivobarefoot ne fait pas les 1/2 pointures. Obligé donc de prendre une pointure entière au dessus. Résultat, une chaussure trop grande, que l’on doit serrer à fond de manière inconfortable pour éviter que le pied ne bouge trop.
– Le poids : 470g, peut on encore parler de chaussure minimaliste ? En tout cas, difficile de l’envisager comme chaussure de fond de sac sur des randos itinérantes.
– La tige montante très volumineuse: pour tous les adeptes du minimalisme qui ont bien compris que le maintien de la cheville par la chaussure est un leurre, ne serait il pas plus judicieux d’opter pour une guêtre intégrée, tout aussi efficace pour l’étanchéité, éventuellement avec un renfort souple autour des malléoles en cas d’évolution sur éboulis instables…
Conclusion :
Pour des randos à la journée en conditions hivernales ou pluvieuses, elle fait le job. Les pieds restent au sec, le ressenti sous la semelle est sympa. Mais avec ce manque d’espace en hauteur pour le gros orteil, cette pointure pas tout à fait idéale, cette tige encombrante et ce poids, le plaisir n’est pas vraiment au rendez-vous.
Produits essayés mais pas retenus:
Altra Lone Peak 3 Neoshell
La forme anatomique la plus parfaite qui soit, avec le gros orteil qui avance en ligne droite jusqu’au bout et dispose de tout l’espace en hauteur pour se relever avant la pose du pied. Bravo pour ce point. Bravo également pour le zéro drop. Si le Neoshell tient ses promesses, et si le dispositif de fixation de guêtre est efficace, alors cette chaussure a des atouts.
Par contre, quel dommage qu’Altra ne propose QUE des semelles épaisses et hyper-amortissantes (avec en plus des crampons un peu fragiles qui s’arrachent rapidement sur terrain agressif …).
Avec une semelle de 25mm, la Lone Peak est définitivement trop loin du sol pour parler de minimalisme. J’ai bien aimé les Superior (semelle de 21mm) lors de ma phase de transition. Maintenant, lorsque je les remets, j’ai l’impression que tout est aseptisé, je perds ce dynamisme et ce plaisir de jouer avec le terrain.
Avec tout son savoir faire, Altra pourrait très bien enrichir sa gamme, et proposer, à coté des modèles à grosse semelle, des modèles vraiment minimalistes avec une semelle de type trail, compacte et résistante, d’une épaisseur 10 de mm…
Salomon S-lab Alpine
De vrais atouts en terme de légèreté, une semelle qui semble offrir un compromis acceptable, et une guêtre qui recouvre astucieusement la chaussure.
Mais la forme hyper-resserrée de Salomon, c’est tout simplement impossible pour moi.
Dommage, Salomon a plein d’innovation intéressantes, mais rares sont ceux qui peuvent en profiter. Si seulement ils acceptaient de décliner leurs modèles en 2 versions, une version étroite pour Kilian, et une version anatomique qui conviendrait à plus de 50% des gens…
Autres
Je n’ai pas eu l’occasion d’essayer les Vasko 2 de Feelmax décrites ailleurs sur ce blog.
Produits qui pourraient voir le jour si les constructeurs s’en donnaient la peine
Merrell
D’une part, ils ont la « Trail Glove », avec une semelle minimaliste parfaite pour terrain sec, et une forme anatomique acceptable.
D’autre part, ils ont une multitude de modèles de randonnée avec tige mi-haute Goretex, mais une grosse semelle et un gros drop.
Pourquoi ne font ils pas un mix des deux : une semelle minimaliste zéro drop, une toebox anatomique, éventuellement des crampons un tout petit peu plus accrocheurs sur terrain humide, et une tige basse GTX avec guêtre intégrée, ou une tige mi-haute sur laquelle on pourrait rajouter occasionnellement une guêtre ? Le nom est déjà trouvé, la « Mountain Glove »…
Xero Shoes
Si la DayLite Hiker existait en version waterproof, ce pourrait être aussi un très bon compromis.
MAJ du 09/08/2021 (Manoel)
Depuis quelques mois, Xero Shoes propose une chaussure minimaliste imperméable pour homme, ainsi que pour femme : La Xcursion Fusion. Elle atteint 60 d’un indice minimaliste, ce qui est limite pour une chaussure se voulant minimaliste, mais il est extrêmement difficile de proposer une chaussure montante et résistante à l’eau à la fois légère et flexible. La Xcursion a tout de même une épaisseur de semelle de 19 mm (ou 15,5 mm sans la semelle intérieur amovible) et un drop null (semelle plate).